Autonomie (27) Les prix galopent !

J’ai fait la connaissance d’Henri depuis presque 10 ans maintenant. Je me souviens que déjà, à l’époque, nous trouvions le prix des graines vendues en ligne trop cher. Cela nous décourageait à en acheter. Nous nous détournions de ces graines monnayées à prix d’or ! Compter 1 euro la graine d’anonacées, d’eugenia, de pouteria… Aujourd’hui, la situation est bien pire ! Les graines se négocient encore plus cher, elles n’ont pas suivi l’inflation de ces dix dernières années à savoir 12,5% (source : https://france-inflation.com/inflation-depuis-1901.php). Elles s’échangent à 3, 4 ou 5 euro ! Il n’y a plus de limite : il y a même des enchères pour les plus rares. L’année dernière, quelques graines d’Hawaï m’ont coûté près de 100 euros (la douane est passée par là, et les délais ont gâté l’ensemble…). Ces derniers jours, avec Henri nous nous sommes résignés à acheter auprès d’un collectionneur portugais des graines de Jaboticaba. 3€ à 6€ pièce en fonction de la variété (plus le transport). Bien sûr, nous aurions préféré échanger avec un collectionneur français, mais la rareté s’obtient à prix fort. J’ai vu une graine de Duguetia à 49 € :
https://www.seedshuntershop.com/store/products/duguetia-aff-stelechantha-_annonaceae-1-germinated-seed-pack

Voici quelques liens vers des vendeurs de graines de fruits rares :
https://andersontropicals.com/
https://hapajoesnursery.com/
https://www.bellamytrees.com/
https://www.exoteninsel.com/
https://www.quintadosouriques.com/seed-store/
https://www.rarepalmseeds.com/fr/
https://www.tradewindsfruit.com/
https://www.flyingfoxfruits.com/
https://www.farwellfruitfarm.com/
Vous ne connaissez pas la moitié des fruitiers de ces sites ? Moi non plus : il y aurait 70 000 espèces de fruitiers sur terre…

On arrive à un paradoxe, les collectionneurs rétrocèdent leurs graines plus cher que certains professionnels ! Jetez un coup d’œil dans les petites annonces de Tropical Fruit Forum pour vous en convaincre ! On a l’impression que certains surfent sur la rareté pour faire des affaires. Et quelques collectionneurs prétendent ne pas faire ça pour l’argent ! Bref, un monde d’hypocrisie ? Je côtoie de nombreux acclimateurs qui même s’ils jouissent probablement d’un niveau de vie assez aisé ne voient pas d’un très bon œil cette hystérie tarifaire. Ils préfèrent le don et l’échange, c’est nettement plus convivial ! Il est vrai que la nature produit des végétaux sans se soucier de la propriété et de la valeur d’échange.

Il n’y a plus de limite, et les prix galopent dans tous les domaines : j’ai vu des mangues ou des avocats à plus de 20 euros le kilo chez un célèbre fournisseur de fruits exotiques ! Ces prix ont un effet boule de neige et entraînent des augmentations en cascade. Où cela va-t-il nous mener ? Cette marchandisation du vivant pose la question de l’éthique. Cette notion est omniprésente en permaculture. En discutant avec d’autres jardiniers, je me suis rendu compte que chacun avait sa propre éthique. Et la façon dont on conçoit le jardin résulte d’observations, de réactions émotives, bref de tout le vécu de la personne. Je me suis rendu compte à quel point je n’aimais pas que l’on me dise comment je devais, par exemple, gérer l’arrosage de mes plantes. J’ai l’impression que certains entretiennent avec leurs plantes une relation de dépendance : sans eux, sans leur apports réguliers la plante périrait. En ce qui me concerne, je cherche, au contraire, à rendre le plus vite possible la plante indépendante et autosuffisante. J’ai plaisir à voir une plante s’adapter aux conditions naturelles. Heureusement, il y a une infinité de façon de jardiner. Paradoxalement, c’est cette pluralité qui me plait. Je découvre avec curiosité des itinéraires techniques aux antipodes de mes “valeurs”. Cela est l’occasion de questionner le fondement de mes principes, et de les faire évoluer si je le juge nécessaire. Du coup, mon jardin est soumis aux aléas de mes inspirations.

Dans cette vidéo Youtube, j’invite les jardiniers de France et de Navarre à partager leurs expériences. Car il y a tant à faire en matière d’acclimatation, je suis toujours émerveillé d’apprendre qu’il y a un avocatier ici ou là, que telle greffe fonctionne…

De plus en plus de pépinières sont devenues de simples intermédiaires. C’est la raison pour laquelle nous avions envisagé de faire une commande groupée d’avocatiers espagnols directement à Viveros Brokaw. Je n’ai pas mené à terme l’opération car d’une part les gens demandaient des choses non disponibles et d’autre part j’avais du mal à organiser le transport (malgré la précieuse aide de Marie-Lyne). Mais le prix de vente des avocatiers greffés (sur du semis) a été une véritable révélation : moins de 7 euros pièce ! Je parle d’un scion de un an vigoureux qui mesure entre 1m30 et 1m80 (avec le pot). Je vous laisse comparer avec le prix revendu par les intermédiaires français (et je ne parle pas du stockage souvent préjudiciable pendant de longs mois). Je n’ai rien contre les négociants en végétaux, mais il serait bien qu’ils soient plus transparents. Cela jette l’opprobre sur une profession qui compte de véritables producteurs de plants (greffe, bouture, marcotte, semis…). Comme dans chaque secteur d’activité, le prix de revient est un “secret” que l’on ne révèle pas. Et rares sont ceux qui ne mélangent pas les deux activités : production de plants et revendeurs (se fournissant généralement en Espagne et en Italie). Bref tout ceci est bien compliqué à l’image d’une société nécrosée par la spéculation qui prive l’individu de rapports simples et immédiats avec la nature.

Je suis tenté de clôturer ce dossier par un exemple hors sujet mais très parlant. Peu d’économistes osent commenter ce type d’anomalies. L’article suivant nous apprend que la Volkswagen ID 3 est vendue 16000 euros en Chine contre 42990 euros en France. Il est même probable qu’à 16000 euros le constructeur marge encore… Les enseignements de cette différence tarifaire sont énormes, ils montrent pour qui veut bien voir la supercherie du système. Il met en évidence qu’une Europe qui ne produit plus beaucoup de biens susceptibles d’intéresser les clients étrangers a une monnaie qui ne vaut plus grand chose…
Le prix des graines n’est qu’un corollaire de cette économie disloquée.

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