J’aurais pu vous parler du prix exorbitant des pommes locales deux fois plus chères que le litchi dans une fameuse chaîne de primeur. Mais j’ai déjà souvent évoqué sur ce canal l’inversion des valeurs propre à notre société qui s’égare. Et puis, vous allez voir, je n’ai plus le temps de reproduire les mêmes actions !
Hier soir, je regardais le catalogue de graines d’un californien spécialisé dans les fruitiers rares. Lire ce catalogue revient à voyager à travers le continent américain à la recherche de merveilles naturelles. Vous pensez que l’on a déjà extrait depuis des siècles les meilleurs fruits du nouveau continent ? Des tomates, des cherimoyas, des ananas (la liste est longue !) et bien je pense que non ! En effet, en parcourant ce catalogue je me suis rendu compte que l’auteur – qui a lui-même arpenté les collines, les plateaux ,les sommets, la jungle et les déserts pour dénicher ces raretés – s’étonne de découvrir encore et toujours des fruits délicieux complètement ignorés et qui pourraient susciter l’engouement du public.
CYPHOMANDRA CAJANUMENSIS (CASANA)
A true wonder and treasure, the casana is surely the sweetest of all tamarillos with a bright fragrance and juicy taste of bananas and passionfruit. It honestly puts most tree tomatoes to shame. It is quite surprising why it’s not in cultivation anywhere when it has such massive commercial potential. Fruits have no detectable alkaloids or calcium stones in the flesh like many other wild and cultivated tamarillos. This species is clear cut in its habitat to grow crops though there is a occasional farmer who protects and nurtures them in its high Andean range. The plants grow to about 20 feet, they are native to ecuadorian cloud forests avove 9000 feet, above frost zone so they can handle brief frost. Pursuing this fruit was among the most challenging pursuits, hiking in knee high mud for 4 hours and driving the notorious mountain roads known as “Caminos de muerte” (roads of death). The greater the risk the greater the reward I say!https://www.raindanceseeds.com/plantsandseeds/z010hjca1njvftrwtqa55ek6uiocmm
Véritable merveille et trésor, le Casana est certainement le plus doux de tous les tamarillos, avec un parfum vif et un goût juteux de banane et de fruit de la passion. Il rdiculise la plupart des tomates en arbre. Il est assez surprenant qu’il ne soit cultivé nulle part alors qu’il a un potentiel commercial si important. Les fruits ne contiennent pas d’alcaloïdes détectables ni de pierres de calcium dans la chair, comme c’est le cas pour de nombreux autres tamarillos sauvages et cultivés. Cette espèce est coupée dans son habitat pour être cultivée, bien qu’il y ait un agriculteur occasionnel qui la protège et la nourrit dans son aire de répartition dans les hautes Andes. Les plantes atteignent environ 20 pieds, elles sont originaires des forêts nuageuses équatoriennes au-dessus de 9000 pieds, au-dessus de la zone de gel, et peuvent donc supporter de brèves gelées. La quête de ce fruit a été l’une des activités les plus difficiles, avec des randonnées de 4 heures dans la boue jusqu’aux genoux et des routes de montagne tristement célèbres connues sous le nom de “Caminos de muerte” (routes de la mort). Plus le risque est grand, plus la récompense l’est aussi !
Quand j’ai lu ces descriptifs, je n’ai pas pu m’empêcher d’avoir un sentiment d’impuissance. D’habitude, je suis plutôt traversé par de l’enthousiasme, mais cette fois-ci j’étais débordé par le désespoir que l’on éprouve lorsque la tâche est trop volumineuse pour ses forces ! J’ai réalisé à quel point j’étais ignorant ! Ce sentiment est probablement exacerbé par mon âge grandissant. Et oui, lorsque l’on atteint la cinquantaine, on a plus autant de marge pour expérimenter et entreprendre de grands projets ! Avant le covid, j’avais l’intention de créer une immense réserve dédiée aux fruitiers rares du monde entier. Un parc botanique puissance dix, permettant de voyager à travers l’univers enchanté des saveurs naturelles. Le covid est passé par là et le découragement m’a gagné. Je ne me suis plus estimé capable d’accomplir un tel projet. Il est probablement injuste de mettre sur le dos de la pandémie l’ensemble des raisons qui m’ont conduit à cette décision.
Lorsque j’ai pris connaissance de ce catalogue, j’ai eu un sentiment de solitude. Nous sommes si peu à s’intéresser à tous ses fruitiers rares ? N’y a t-il personne à vouloir goûter et découvrir toutes les merveilles que propose la nature sans artifice ? J’ai tord de penser cela, car je vois que la curiosité de beaucoup d’entre vous est piquée par ces fruits insoupçonnés. J’ai du mal à associer la recherche qui m’anime aujourd’hui avec la promotion des fruits oubliés (et sa fameuse asso et revue qui a tendance au fil des décennies à remémorer en boucle la même liste de fruits). Ce que je propose est bien différent : ici, on plonge dans l’inconnue, on navigue en territoire énigmatique.
Le nombre d’espèces comestibles donne le tournis : j’avais lu 70 000 ! Dans cette vidéo sur l’évolution des plantes, l’auteur évoque même 80 000. Il se base sur les études du Kew Garden.
Peu importe : c’est trop, beaucoup trop ! Les écoles de commerce ne cessent de rappeler que le consommateur est idiot par essence et qu’il faut simplifier l’offre de produit car son cervelet ne saurait tout retenir ! Et bien la nature, c’est tout le contraire : elle ne cesse de créer à foison, jusqu’à l’infini ! Je sais que cette affirmation vous semblera difficile à accepter tant elle est en contradiction avec la doctrine qui insiste sur la perte de diversité et l’extinction des espèces. Mais pour moi, la nature est par essence fractale : elle se répète, se redessine, se transforme à toutes les échelles !

Ce constat m’a quelque peu ébranlé, car un des jeux offert par la vie est de découvrir son environnement et ses interactions. Je considère que mon mode d’alimentation – manger que des choses brutes telles que la nature peut les offrir sans artifice – me prédispose dans cette quête du fruit méconnu. Je ne sais pas contenir et organiser cette soif de découverte. Se focaliser sur une espèce, sur une seule provenance, à certaines saveurs ? Mais pourquoi donc vouloir se limiter ? Je suis un peu comme un enfant insatiable qui ne comprends pas pourquoi il doit se restreindre. C’est la raison pour laquelle, j’ai passé commande des graines suivantes en me basant sur deux critères : la capacité à s’acclimater ici et la bonne saveur.

Beaucoup de personnes ne comprennent pas ma démarche. Ils souhaiteraient me voir comme un spécialiste de telle ou telle espèce. Nous sommes dans un monde où la spécialisation est la règle. Je n’ai pas d’accointance avec ce type de comportement, même si je reconnais que perfectionner ses connaissances sur les avocatiers, les agrumes ou tout autre domaine sur lequel on a jeté son dévolu peu entraîner de beaux résultats. Savoir que certaines personnes collectionnent les avocatiers, les sapotes, les agrumes ou n’importe qu’elle espèce me fait plaisir, même si ce n’est pas mon chemin. En fait, dès lors que je suis parvenu à faire fructifier une espèce, je m’y désintéresse, car pour moi le challenge consiste à progresser dans l’inconnu.
C’est pour ça que je suis toujours avide de nouveauté ! Heureusement, nos moyens de communication et de transport permettent de se projeter dans un autre continent à la vitesse d’un click ! Je vous invite donc à consulter les catalogues, à dénicher des raretés potentiellement acclimatables et bonnes. Ce semencier californien m’a fait rêvé avec ses manguiers rustiques, ses tamarillos délicieux, ces papayes biscornues, et toutes ces espèces dont j’ignorais l’existence. Sa démarche m’a semblé intéressante quand j’ai vu qu’il avait réussi à obtenir un yucca aux fruits comestibles qui n’a pas l’arrière goût savonneux des autres yucca. Évidemment, ce travail devrait également revenir à des chercheurs ou à des instituts. Mais David Faichild a très bien expliqué comment la recherche publique avait été dépossédé de ce sujet et que c’est maintenant au tour des amateurs et des pépiniéristes professionnels d’introduire de nouvelles espèces fruitières.
“Le meilleur service que l’on peut rendre à son pays est d’introduire une nouvelle espèce utile à son agriculture”. Thomas Jefferson
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