Avocatier rustique… et productif !

L’objectif de l’acclimatation fruitière est d’avoir des fruits. L’avocatier fait parti des arbres capricieux à fructifier en dehors de son aire d’origine. Nombreux avocatiers de semis produisent peu voir pas du tout et même après plusieurs décennies. Est-ce à cause de l’âge des arbres, des températures, de la variété ? En l’absence de certitude, je constate le désarroi de certains jardiniers : Henri se lasse de son mexicain qui ne fructifie pas ou si peu depuis des années, j’emprunte également le même chemin puisque mon mexicain fructifie de moins en moins !

Je suis tombé sur une discussion sur Tropical Fruit Forum (TFF) qui m’a conforté dans mes observations.

Je pense qu’il s’agit d’un problème de température, Duke semble particulièrement enclin à ne pas donner de fruits lorsque les températures nocturnes sont inférieures à 50°F (=10°C) pendant la floraison, et c’est presque toujours le cas dans ma serre. Il a fleuri abondamment (peut-être 10 000 fleurs individuelles) et n’a produit qu’une demi-douzaine de fruits, puis a avorté à l’exception d’un seul quelques semaines plus tard. Le seul fruit restant ne s’est pas beaucoup développé et je m’attends à ce qu’il avorte bientôt lui aussi.
J’ai beaucoup d’autres greffes sur des arbres de serre en pleine terre, y compris certaines choses que j’ai recueillies auprès d’autres personnes sur ce forum et qui ne sont pas des cultivars connus. Parmi ceux-ci, ceux qui semblent donner le plus de fruits malgré les basses températures sont Walter Hole (du verger Germplasm de l’UC), Linh (une nouvelle introduction d’un membre du forum), et Brissago (via un membre du forum, l’ortet a été découvert en Suisse).

https://tropicalfruitforum.com/index.php?topic=55508.msg527845#msg527845
I think it’s a temperature issue, Duke seems especially prone to not setting fruit when the overnight temperatures are below 50°F during flowering, and that’s almost always the case in my greenhouse. It flowered profusely (maybe 10,000 individual flowers) and set only about half a dozen fruit, then aborted all but one of those a few weeks later. The sole remaining fruit has not developed much and I expect it to be aborted soon too.
I have many other grafts on in-ground greenhouse trees, including some things I’ve collected from others on this forum that aren’t known cultivars. Of those, the ones that seem to set the most fruit despite low temperatures are Walter Hole (from UC germplasm orchard), Linh (a new introduction from a forum member), and Brissago (via a forum member, ortet was discovered growing in Switzerland).

La température pendant la pollinisation est un facteur souvent mis en avant et assez documenté pour la variété Fuerte. En revanche pour les purs mexicains, cela me semble plus complexe compte tenu du fait que les vieux spécimens au jardin de la villa Hanbury ont une production anecdotique. Or La villa Hanbury peut s’enorgueillir d’un climat exceptionnel. Notons toutefois une pointe à 4.8°C à Menton le 22 avril 2024. L’avocatier Corniaud (proche du poste frontière où est tournée une fameuse scène du film de Gérard Oury) produit de manière consistante chaque année depuis des décennies.

Difficile avec autant d’éléments contradictoires de faire une synthèse. La productivité d’une variété est un critère rarement retenu par les acclimateurs à tord !

Mon avis sur ce sujet s’est toutefois affiné avec le message de TFF corroboré par la visite d’un jardin près l’Alès. Le jardinier a misé sur une variété mexicaine assez peu connue qui a le mérite de fructifier régulièrement et assez abondamment. Dans son jardin, aucune ambiguïté : seul le Walter Hole fructifie correctement ! Il s’agit d’un avocat de type mexicain (groupe de fleur B), pyriforme, précoce (à partir d’octobre/novembre chez nous). Ce jardinier a jeté son dévolu sur cette variété après s’être renseigné sur les forums américains. Il a planté plusieurs sujets. Je pense qu’il a très bien fait de privilégier une variété réputée produire même en zone marginale de l’avocatier. Une très belle réussite, merci à lui pour la visite et le partage d’information précieux pour de nombreux amateurs d’avocatiers !

Note du jardinier : ” la floraison ici des Walter-Hole était  assez tardive pas avant début mai et s’étalait sur au moins 3 semaines , les Wilma commençaient très légèrement avant.”

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6 réponses à “Avocatier rustique… et productif !”

  1. Avatar de lazzaret
    lazzaret

    Bonjour.

    Si l’idée qui accompagne l’acclimatation est bien d’avoir du fruit, est ce qu’on ne se trompe pas quand on attend d’avoir un sujet qui s’acclimate et en plus qui soit (très) productif ? Je pense qu’à trop vouloir demander, on va simplement réussir à passer à côté de l’acclimatation en oubliant que c’est un processus, y compris intellectuel, qui prend du temps. Et en tous les cas, ma façon de vivre l’acclimatation est différente, l’objectif en génération 1 de sujet acclimaté est la survie et d’être capable de croitre à peu près correctement, du fruit il y en aura presque toujours même s’il y en aura peu, c’est en revanche avec la génération 2 donc de semis issus de ces quelques rares premiers fruits où je commencerai à me préoccuper d’avoir un arbre productif. Il est entendu que si on peut avoir le combo acclimaté et productif, c’est le mieux mais d’en faire l’objectif minimal…c’est exiger toujours plus de performance quand la nature, elle, se concentre avant tout sur la robustesse.

    1. Avatar de Benoit Vandangeon
      Benoit Vandangeon

      Je comprends ton commentaire. Notre différence de point de vue, n’en est peut-être pas une.
      Pour un semis et une sélection par adaptation au milieu, je partage ton raisonnement.
      Pour les variétés du commerce, je trouve en revanche que l’on fait l’éloge de variétés qui vont avoir du mal à nouer. Planter un fuerte greffé à Nîmes est par exemple pas judicieux (sauf si l’on souhaite peu de fruit et dans cette faible récolte des avocats sans noyaux).
      Il y a un côté “mensonger” je trouve quand on fait miroiter des tonnes d’avocats, agrumes ou autres…
      Et comme beaucoup d’acclimateurs veulent gagner du temps et achètent des fruitiers greffés, l’objet de cet article est de les sensibiliser à cet aspect pour se prémunir de déconvenues.

  2. Avatar de lazzaret
    lazzaret

    Il y a un discours sur la greffe qui me dérange, notamment dans un objectif d’acclimatation. En acclimatation, le facteur le plus discriminant (celui qui revient dans une majorité de situations) n’est pas lié à l’item sol mais à l’item rusticité, et quand on regarde cette problématique, dire qu’on fait de l’acclimatation avec des arbres greffés est un mensonge parce que la greffe n’amène qu’un résidu de rusticité, et pour cause, sur les agrumes par exemple, les russes (ou plutôt le récit de leur histoire récente agrumologique qui en est fait) ont testé et montré que la greffe classique n’est pas utile, quant à la greffe double étage qui promet plus de rusticité, aucun arbre bénéficiant de cette technicité n’est jamais proposé à la vente. Un autre fait simple qui va dans le sens de la non pertinence de l’item rusticité dans la recherche agronomique…le centre de recherche sur les agrumes est situé en Corse du sud. La corse du sud représente combien de pourcents des profils pédoclimatiques français métropolitains…? (la réponse est qu’on ne fait pas d’acclimatation mais du commerce)

    Tout cela me fait conclure que le commerce n’a jamais eu pour but et n’aura jamais pour but de faire la promotion du végétal (à de rares exceptions et personnes près) d’où les déceptions que tu évoques.
    Pour revenir sur l’objet de cet article, l’objectif commercial est de vendre et le mensonge ou le non dit font partie de l’équipement programmatique du commerce, surtout le commerce n’est jamais tenu responsable d’un éventuel défaut de résultat.

    Je comprends donc la légitimité de ta publication mais c’est moins d’attendre que le commerce devienne vertueux qu’il vaudrait mieux voir des acclimateurs devenir moins crédules à arrêter de vouloir croire pouvoir obtenir le beurre, l’argent du beurre et le cul de la crémière quand ils achètent un arbre.

    1. Avatar de Benoit Vandangeon
      Benoit Vandangeon

      “Il y a un discours sur la greffe qui me dérange” Je sais bien ! Qu’est ce que tu appelles le greffe “double étage” ? Sur-greffage ?
      En fait là où je ne suis pas d’accord avec toi, c’est qu’il y a eu une première sélection de faite principalement en Californie au début du XXème siècle et je trouve logique de “figer” quelques variétés qui se sont montrées un peu plus rustiques (Duke7, Mexicola…). Même si en fin de compte ces sélections ont été retenues pour d’autres motifs ! L’acclimateur est le grand oublié de ces sélections, car on préfère changer de zone climatique que de chercher à adapter ! C’est pourquoi je trouve que les essais pour bien qualifier les variétés actuelles et les essais de sélection par semis peuvent délivrer des informations importantes et peut-être déboucher sur des pépites !!!

  3. Avatar de lazzaret
    lazzaret

    De ce que j’ai compris de la greffe double étage, l’idée est de greffer dans la ramure d’un végétal déjà bien installé en conservant le feuillage du porte-greffe.

    Dans une greffe classique ou une greffe avec intermédiaire, la partie porte-greffe représente au mieux 1 à 2 % du végétal final alors que dans un arbre greffé double étage, le porte-greffe devrait représenter entre 50 et 70 % du végétal final, et c’est peut-être ce qui explique que des agrumes greffés sensés ne pas résister à des froids y ont résisté, parce que le porte-greffe représentait une grande partie du végétal final. Dans cette optique, la greffe m’intéresse au regard de l’objectif rusticité, alors que je ne trouve pas d’utilité au greffage classique.

    Tu dis qu’il est bon de figer des génétiques intéressantes ; je ne le crois pas, en revanche je crois intéressant de travailler avec ces génétiques d’intérêt pour construire des espèces population. Une population sera résiliente, une génétique précise, aussi intéressante soit-elle au départ, a une date de péremption parce que d’année en années l’environnement la rendra de moins en moins performante. C’est logique, si on a une variété mais que les pathogènes eux continuent d’évoluer…l’obsolescence est évidente.

    Je suis peut-être utopiste mais si je fais de l’acclimatation, c’est avant tout pour l’émancipation du végétal.

  4. Avatar de Benoit Vandangeon
    Benoit Vandangeon

    Cela a du sens, ta démarche s’inscrit dans la durée.

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