Des plantes autonomes !

Comment parler d’autonomie alimentaire en fruits et légumes du jardin, quand ces plantes sont dépendantes de soins importants : arrosages réguliers, apports en engrais, lutte contre les ravageurs ? L’agriculture, c’est faire pousser une plantes là où elle ne pousserait pas spontanément. Cette domestication ne se fait pas toujours sans effort. Ces interventions sont plus ou moins importantes et contraignantes. Au Mazet, mon terrain pentu s’étend sur 5000 m². Si je devais arroser toutes les plantes régulièrement, ce serait trop de travail, et je ne souhaite pas mettre sous pression une irrigation automatisée. Ces derniers temps, je cherche donc à planter des végétaux autonomes. Je me doute bien que c’est un peu illusoire : il faut déjà à la plantation bien chouchouter le nouveau venu. Bien que les ravages des sangliers sur le terreau et la matière organique qui entourent les jeunes arbustes, m’ont convaincu de me méfier des zones trop fertiles… et de clôturer mon jardin !

L’exemple parfait dans mon jardin est le pistachier : j’aime voir les pistachiers térébinthes qui pullulent endémiquement se transformer en vrais pistachiers fertiles ! La métamorphose sous forme de greffe est spectaculaire, le pistachier vrai pousse de manière vigoureuse même les jours de canicules. Seule ombre au tableau les grosses feuilles du Pistacia vera sont bien plus attirantes pour les ravageurs que celles du Pistacia terebinthus.

Les oléagineux se débrouillent plutôt bien dans le jardin et je peux compter sur des récoltes régulières de pistache (encore maigre aujourd’hui), olive et amande. Pour les fruits frais, voici la liste d’arbres qui ne nécessitent quasiment pas d’attention particulière : figues, mûres (morus alba), arbouse, jujube (à confirmer), feijoa, goyave fraise. Le cerisier, après de nombreuses tentatives ratées parvient à fructifier convenablement depuis un apport de terre conséquent. L’abricotier, le pommier, le poirier et le pêcher sont plus fragiles car la proie de parasites.

Quant à l’exotique, je continue assez machinalement à arroser régulièrement. Je ne suis pas complètement satisfait de la situation car j’aimerai les sevrer au bout d’un certain temps. Comment savoir si mes apports en eau sont nécessaires ? Peut-on se fier aux signes de stress hydriques ? Je suis partagé entre l’envie de les voir s’émanciper et la peur de les voir périr. Parfois, j’oublie d’arroser un arbre et je peux être surpris de son adaptation. Si j’avais continué à l’arroser, jamais je me serai rendu compte de son affranchissement.

Je ne souhaite pas dicter une marche à suivre, mais je m’interroge sur cette capacité des végétaux à se débrouiller naturellement tout seul. Chaque jardinier a sa propre sensibilité, évolue dans un environnement unique et fait face à des conditions propres. Toutefois, je me questionne sur le discours de certains qui attribuent la santé de leurs plantes à leurs seuls efforts ? Comment en être sûr ?

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Commentaires

3 réponses à “Des plantes autonomes !”

  1. Avatar de lazzaret
    lazzaret

    Bonjour.

    Parler d’arbres autonomes est un sujet passionnant et vaste. J’aurais tendance à dire que tous les arbres peuvent l’être, mais pas dans toutes les conditions de départ. Je retiens que la plupart de tes arbres autonomes, benoit, sont des arbres typiquement méditerranéens, ce qui est cohérent étant donné la localisation géographique de ton lieu d’expérimentation.

    De mon côté, j’essaie d’autonomiser en eau tous mes arbres fruitiers. Les grands classiques le sont en fait assez facilement (pommiers, cerisiers, pêchers, poiriers, figuiers etc). Certains produiront davantage s’ils ont une bonne épaisseur de matière organique à leur pied, et/ou irrigués, mais ce n’est pas non plus un gage de production augmentée à coup sur.
    Les exotiques en revanche, c’est plus délicat, je peux néanmoins partager quelques constats. Je ne cherche plus nécessairement l’autonomie hydrique dès le début. Les yuzus de semis sont exemplaires pour cela, j’en ai laissé certains après plantation en terre en 2021 en autonomie complète et le taux de survie tourne autour de 40%. En revanche, j’en ai d’autres que j’ai arrosés au moins pour assurer leur survie en cas de sécheresse, et je constate un taux de survie proche de 100% avec juste quelques irrigations de sécurité en été (peut-être une 20aine de litres répartis sur 3 ou 4 arrosages). Pour les agrumes plus généralement, dans l’idée de les rendre autonomes, je fais 3 choses sur les 3 ou 4 premières années après plantation en terre de plants achetés greffés : je paille généreusement avec de la matière organique plutôt assez carbonée, j’enlève les fleurs et les tout jeunes fruits, je mets progressivement de moins en moins d’engrais pour arrêter les engrais en 3ème année. En général les agrumes, dans mon contexte, sont capables de se débrouiller seuls au bout de ce sevrage.
    Concernant les feijoa, je suis encore plus rude à leur égard, je ne les engraisse plus dès la plantation, mais je continue de les arroser l’année de mise en terre et ensuite je les oublie.
    Sur les avocatiers, j’ai les meilleurs résultats en plantant sur sol et non plus dans le sol. Je les arrose un minimum pour les inciter à produire de la racine en profondeur. Dès la plantation, je paille et j’arrête les engrais. Je pense que je suis encore un peu trop généreux sur l’arrosage pour la raison que l’avocat répond vraiment très bien à l’arrosage.
    Les néfliers du japon sont laissés à eux mêmes dès la plantation après une petite phase de culture en pot, avec un taux de survie plus que satisfaisant.
    Les kakis, dans mon contexte, supportent de pas être arrosés les premières années quand je les plante à des endroits où j’accumule la matière organique.

    Au-delà néanmoins des exemples que je pourrais énumérer plus exhaustivement, je conseille de suivre l’arrosage la première année.

    Concernant la question que tu te poses sur la santé des plantes en corrélation “positive” avec les soins apportés, j’estime que c’est l’inverse, je vois plutôt que les fruitiers dont je prends le plus soin poussent plus vite mais sont le plus sujets également à baisser la tête dès que les températures s’élèvent et que l’hygrométrie baisse. Aujourd’hui mes yuzus de semis les plus en santé sont ceux là mêmes où j’interviens le moins pour ne pas dire que je n’interviens pas.

    Outre l’autonomie vis à vis de l’eau, il ne faut pas oublier l’autonomie du point de vue de l’immunité ainsi que de leur nourriture. Cultivant sur un principe de diversité très emmêlée, je veux croire que cela contribue fortement à l’immunité de l’ensemble (j’ai très peu de problèmes sanitaires) mais je ne peux pas faire la comparaison avec une monoculture sur mon lieu. Je pense aussi que les stress sont corrélés et cumulatifs. Selon moi, une plante en stress hydrique sera plus sujette à être attaquée. Tout ça pour signifier que plus une plante aura appris jeune à gérer le stress hydrique et plus elle sera généralement résiliente et pourra devenir rapidement autonome, raison pour laquelle il faudrait (et je ne le fais pas encore systématiquement) pailler toutes les plantes ou laisser l’enherbement gagner de manière à garder un sol “climatisé”. Un mot aussi sur la greffe et la taille qui sont des facteurs impactants plutôt négatifs sur l’autonomie d’un arbre.

    La vraie question est de savoir si le cultivateur a une réelle volonté d’arbres autonomes, parce que si tel est le cas, le semis, in situ de surcroit, est un incontournable. Là à mon sens l’arboriculture y regagne ses lettres de noblesse parce qu’on ne taille plus, on ne sème plus à n’importe quelle période, on s’adapte à la précocité des printemps comme à des étés plus longs et plus séchant etc. On arrête de cultiver des arbres, on commence à cultiver le sol parce que la finalité est là : si le sol est autonome alors la plupart des végétaux seront autonomes. Un sol autonome est un sol quand on ne fait rien qui fait grandir des herbacées entre deux et quatre mètres de haut quelles que soient les conditions pédoclimatiques. Quand on en arrive là, le sol est suffisamment structuré pour garder un maximum d’eau et la redistribuer le moment venu, il est également suffisamment fertile pour que l’immunité et la nutrition ne soient plus des préoccupations majeures.

  2. Avatar de Alep31
    Alep31

    Je voudrais m’attarder sur le premier paragraphe : est ce que autonomie alimentaire signifie autonomie de chaque arbre ?

    A l’époque de mes grands parents au debut du 20eme siècle, sur leur ferme, avant la mécanisation et la chimie, ils étaient autonomes au niveau alimentaire en céréales, en fruits et legumes, en cidre, en vin, en viande et lait…

    Et l’essence de leur vie était justement de prendre soin de leur environnement, avec en premier lieu un objectif, se nourrir et subvenir à leurs besoins (donc vendre aussi), donc de prélever avec mesure certes mais prélever dans la nature…

    Beaucoup de leurs arbres ou animaux dépendaient d’eux comme eux dépendaient de leurs productions.

    Loin de moi l’idée de prôner un retour au passé, leur vie était très dure, simplement cet exemple pour dire que l’homme de cette époque est partie intégrante de la nature et que partout dans la biodiversité la COOPERATION est à la base de la résilience, entre l’homme, les végétaux et les animaux. L’écologie en tant que science est d’ailleurs l’étude des interactions entre êtres vivants dans son milieu.

    C’est quand l’humain a oublié qu’il etait partie intégrante de la biodiversité, qu’il s’est placé au dessus, sans mesure, sans éthique du vivant, qu’il s’est déconnecté , que ca s’est dégradé.

    Mais a l’autre extrémité, penser l’autonomie en oubliant l’objectif de se nourrir par elle (se nourrir vraiment) n’est pas selon moi l’autonomie. Par exemple ne pas vouloir l’irrigation pour ses arbres et acheter des fruits qui le sont quasi tous dans des conditions qu’on ignore, je ne vois pas bien le sens.

    Pour moi l’autonomie c’est au contraire coopérer avec les arbres mais avec une éthique du vivant mais bien sûr la difficulté résidera dans la définition de cette éthique du vivant et c’est autre debat qui nous conduirait lui a la coopération entre humains …

    1. Avatar de Benoit Vandangeon
      Benoit Vandangeon

      “Par exemple ne pas vouloir l’irrigation pour ses arbres et acheter des fruits qui le sont quasi tous dans des conditions qu’on ignore, je ne vois pas bien le sens.”
      Je te remercie de pointer sur mes contradictions. La vérité, c’est qu’il y a peu de personne qui consacre autant de temps que moi à arroser (à l’arrosoir). Mais je ne veux pas tomber dans un piège. Rendre dépendante une plante qui pourrait être autonome.
      Je te remercie pour l’exemple de tes grands parents. Même si mes parents n’étaient pas paysans, nous avions un verger qui n’a jamais été arrosé. JAMAIS. Et nous mangions en saison plus de pomme, poire et cerise que nous n’aurions pu assimiler ! Or nous habitions Montreuil Bellay, une région où la pluviométrie annuelle est plus faible que celle de Nîmes. C’est ce souvenir, et également l’observation quotidienne de fruitiers autonomes qui me poussent à réfléchir à la question.
      Dans mon cas, il m’arrive d’arroser, or ce que l’arbre a réellement besoin c’est de terre pour gérer lui même l’eau. C’est le cas de mon cerisier picota, depuis que j’ai mis de la terre autour, je ne l’arrose plus. C’est pourquoi je passe tout mon temps libre (quand je n’arrose pas) à faire des restanques, des swales pour garder la fertilité et rajouter de la terre.

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