Je me pose sérieusement cette question, car mes observations montre qu’un manguier greffé est souvent un mauvais choix sur le long terme dans nos régions.
Le manguier est une plante subtropicale assez frileuse. Il peut toutefois être cultivé si l’on peut lui offrir une situation hors gel. Dans sa zone de culture endémique, le manguier est un arbre à grand développement avec une croissance rapide et une vigueur importante. Chez nous, le développement est moins important de sorte que l’on peut le cultiver en pot les premières années. En pleine terre, il prend des proportions relativement modestes.
Avec le recul , je constate que les manguiers greffés ont un comportement pouvant être problématique chez nous. Je m’explique : le manguier greffé va chercher par tous les moyens à fleurir ! Au printemps toute son énergie est focalisée au niveau des bourgeons à fleurs, puis sur les panicules floraux de grande taille et de toute beauté, ensuite viennent les petits fruits qui majoritairement avortent. Le petit arbre a rarement les ressources pour ensuite émettre des bourgeons à bois pour croître et augmenter sa surface foliaire et sa production d’énergie par la photosynthèse. Du coup, année après année le manguier greffé va s’épuiser à fleurir sans véritablement croître. Pire les dégâts causés par l’hiver ne seront plus effacés par de belles pousses de végétation.
Ce développement n’est pas propre au manguier, car tous les arbres greffés ont la particularité de mettre un fruit rapidement. Ce qui aggrave la situation avec le manguier, c’est le fait d’une part qu’il n’a pas les réserves pour les bourgeons à bois, et qu’il peut être endommagé en hiver.
Je me demande si le fait de partir d’un manguier de semis ou bien d’un manguier greffé à l’aide d’un greffon non mature (issue d’un manguier qui n’a pas encore fructifier) n’est pas préférable ? Tout dépend finalement de nos conditions climatiques et de notre capacité à prendre des risques. En effet, on peut être satisfait par le fait d’avoir un jeune manguier qui parvient à la fin de l’été à mûrir un ou deux fruits. L’hiver suivant, l’arbre peut-être abîmé, voir périr. Peu importe car l’objectif d’une fructification a été atteint !
Pour illustrer cette réflexion, je vais m’appuyer sur l’observation de plusieurs manguiers. Pendant plusieurs années, j’ai essayé le manguier. J’achetais un manguier en pot , il était greffé et provenait souvent d’Espagne (même si je l’achetais auprès d’un pépiniériste français). Je le plaçais l’hiver en serre froide ou bien en véranda. Malheureusement, il ne passait jamais l’hiver même sans température négative. C’est ainsi qu’en janvier 2022, je me suis résolu à planter un manguier directement en pleine terre au bureau. Il s’agissait d’un manguier Osteen. Contre toute attente, le manguier a passé l’hiver, il faut dire qu’il est protégé dans un angle de mur. Ce manguier greffé avait la particularité d’avoir sous le point de greffe de la végétation. La première année, la partie greffée Osteen à fleurit abondamment, et lorsque les panicules floraux ont dépéri le porte-greffe a poussé vigoureusement. On m’a conseillé sur les réseaux de supprimer la végétation du porte-greffe. Mais j’en ai fait qu’à ma tête, et je n’ai pas suivi ces recommandation parfaitement logique. Depuis, le manguier pousse chaque année de manière importante, tandis que la partie greffée est au statu quo, elle ne fleurit même plus. Toute la vigueur et toute la sève se concentre sur la végétation et même si je suis déçu de ne pas avoir encore de fruits, je trouve que ce développement est globalement plus sain. Certes, je pourrais si l’hiver prochain est particulièrement froid regretter de ne jamais avoir goûté un fruit. Mais dans le cas contraire je trouve l’arbre particulièrement élégant et en bonne santé. Il pourra fleurir et fructifier lorsqu’il le jugera opportun en tenant compte de ses réserves métaboliques.
Un autre aspect m’a motivé à faire cette expérience, c’est que les Espagnols utilisent généralement la variété Gomera 3 comme porte-greffe. Ce porte-greffe n’est probablement pas aussi résistant au froid que ce que l’on prétend, en revanche il est vigoureux. De surcroît, les fruits de petite taille ont une saveur typée très agréable et une texture légèrement fibreuse. Tous ces éléments m’ont conduit à favoriser le porte-greffe au détriment du greffon.
Avec le recul, je ne regrette pas mon choix.
Je constate à nouveau avec d’autres variétés le même comportement : j’ai en pleine terre la variété Kent, Maya et Tommy Atkins. Ils ont tendance à fleurir, mais comme il n’y a pas de végétation en dessous du point de greffe je suis contraint à subir le développement quasi inexistant de ces plantes. Tandis que mon Gomera peut pousser de presque un mètre par an, ces arbres stagnent désespérément !
À mon avis, l’un des meilleurs itinéraire technique pour le manguier sous nos latitudes, c’est de partir d’un manguier de semis, idéalement Gomera 3. Puis, au bout de quelques années, le greffer avec un greffon issu d’un arbre ayant déjà fructifié si l’on est impatient. Je constate que certaines variétés sont probablement plus intéressantes que d’autres en climat froid. Je note que les manguiers Kesington Price on un développement important qui n’a rien à envier à celui de Gomera 3. Notez aussi que le manguier est souvent polyembryonnique et de ce fait assez fidèle au semi. Le semis me semble tout à fait adapté à nos conditions pour peu qu’ils poussent vigoureusement en été.
Le manguier est une acclimatation délicate, je vous fais part dans cet article de mes premières observations, elles ne sont pas définitives et j’apprécierais qu’à votre tour, vous partagiez vos expériences qu’elles soient concordantes ou pas afin d’accroître nos connaissances sur ce sujet.
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