Au fil des années, j’arrive de mieux en mieux à définir mes centres d’intérêt. Certains voudraient voir en moi un spécialiste de l’avocatier ou des sapotes. Mais pourquoi donc se limiter à quelques arbres fruitiers quand la nature nous en offre une abondance ? Je ne sais si l’estimation de 70 000 espèces comestibles est vraie tant elle paraît exorbitante ! Peu importe, il reste tant à découvrir. Et je souhaite consacrer mon énergie à expérimenter les nouvelles espèces fruitières et à diffuser des connaissances dans ce domaine. Elles sont nouvelles en raison de notre ignorance. Chaque année, je découvre des fruitiers qui m’étaient inconnus ou bien je me remémore ceux qui sont tombés dans l’oubli.
A mon grand désespoir, je constate que beaucoup de personnes préfèrent restreindre leurs collections à un genre particulier. Les citrus sont à la mode depuis quelques décennies. En réalité, la culture d’agrumes sur le littoral méditerranéen est bien plus ancienne. Je constate en lisant de vieux ouvrages ou des papiers scientifiques que les agrumes étaient domestiqués depuis des siècles !
Je suis content d’éveiller la curiosité de ces collectionneurs avec des genres voisins. Les rutacées englobent bien sûr les agrumes (genre Citrus), mais également environ 200 autres genres. Parmi ces genres, certains contiennent des fruitiers fameux : Aegle, Casimiroa, Clausena, Zanthoxylum… Je m’étonne du peu d’intérêt des Casimiroa si gouteux ! Et que penser des Clausena ? Lorsque Fairchild arriva en Thaïlande, on lui désigna le Wampi (Clausena lansium) comme le meilleur fruit du pays !
En fait, j’ai l’impression – à l’image d’une société qui se spécialise à l’extrême – que certains s’enferment dans un genre, une espèce ou une sous-espèce. Par exemple, le spécialiste du pommier, de la cerise ou du kaki ! Ou encore mieux, le spécialiste des pomme à chaire rouge, de cerises précoces ou de kaki non-astringent. C’est à mon avis un non sens de parler de diversité à propos de variétés de pommes quand bien même il y en aurait des milliers ! La diversité doit embrasser plusieurs genres, familles, ordres, classe et division ! Car les membres d’un même groupe sont proches génétiquement, c’est d’ailleurs ce qui caractérise la classification.
Voilà pourquoi je continue à explorer, à l’aide des outils d’aujourd’hui (principalement le web) la diversité végétale à l’affût d’espèces comestibles acclimatables. Souvent quand je veux faire des échanges, mes interlocuteurs sont décontenancés par les espèces que je recherche car elles n’ont peut-être jamais foulé le sol français ! Je m’aventure à rappeler quelques fruitiers que je recherche en ce moment :
– Sougué (Parinari curatellifolia, Cameroun)
– prunier de Guinée (Parinari excelsa)
– Kwai Muk (Artocarpus parvus)
– Wampi à fruits doux (Clausena lansium)
– Chupa Chupa (Quararibea cordata)
– Inga rustiques et bons
– Duguetia rustiques (moricandiana, lanceolata, cauliflora, peruviana, echinophora, stelechanta, marcgraviana)
– Pouteria rustiques
– Chrysophyllum rustiques
– Manikara rustiques (subseria, maxima…)
– Campomanesia (“Super Guabiroba gigante”, nerifolia)
– Annona rústiques ( Caatinga, paludosa, neolaurifolia, tomentose, aurantiaca…)
– Garcinia rustiques (Roraima…)
– Palmiers (Mauritia flexuosa, Syagrus macrocarpa…)
– Diospyros rustiques et bons hors kaki (lasiocalyx…)
Ecorce de sougué
La liste pourrait se dérouler à perte de vue, puisque tous les fruits inconnus qui peuvent éveiller la curiosité de nos papilles gustatives sont potentiellement élus. Reste à connaître leur rusticité. On peut bien sûr se renseigner préalablement, si des jardiniers téméraires ont déjà tenté leur chance et partagé leurs résultats ? Sinon rien de mieux que d’essayer ? Bien sûr certains fruitiers – purement tropicaux – n’auront aucune affinité avec nos climats. On peut aussi avoir de bonnes surprises ! Parmi tous les végétaux introduits par Franck Meyer (grâce à son périple en Asie) on en retrouve certains dans nos assiettes : kiwis, litchis, agrumes… Aujourd’hui, les instituts se sont complètement désintéressés de la question, c’est au tour des particuliers de ramener des végétaux et de tenter leur acclimatation. J’entends déjà les voix s’élever devant les risques que constituent l’introduction d’espèces étrangères. A ce titre, je rappelle deux choses : d’une part sans introduction, il n’y aurait pas de fruits en Europe ou si peu (la pomme, poire, pêche, cerise sont asiatiques par exemple), et d’autre part, la stigmatisation du danger phytosanitaire repose souvent sur des arguments fallacieux (et le livre de Fairchild dénonce cette hypocrisie).
“Zone Pushing”
En ce qui concerne le “zone pushing”, il s’agit d’une pratique assez répandue outre-atlantique. Cela consiste à habituer une plante à un climat plus rigoureux que le sien. Ce n’est pas une science, car les résultats obtenus ne sont souvent pas reproductibles. Chaque endroit est unique et les plantes, même s’il s’agit de clones, réagissent à un ensemble de paramètres très variables (vigueur avant d’aborder l’hiver, vent, taille…). Lorsque je me promène, je peste sans arrêt : beaucoup d’endroits potentiellement favorables n’accueillent pas de plantes ou un “vulgaire” platane ! Bref, on sous-estime les capacités d’acclimatation des zones habitées. Car les plantes peuvent très bien cohabiter avec nous. Je n’évoque même pas la hausse des températures que l’on constate ses trentes dernières années sur la plupart des stations météo de France. Ces espèces nouvelles pourraient effectivement réconcilier les habitants avec les services horticoles municipaux. Car les villes courent après leurs labels “4 fleurs” et font une surenchère de plantes décoratives. Mais que pensent vraiment les habitants de ces décisions faites en leur nom et avec leur argent ?
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